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3-3-Produire dans le cadre du développement durable. Une agriculture en pleine transformation
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[bleu violet]Quand l’agriculture se transforme, les paysages changent[/bleu violet]. Le contexte sociopolitique dans lequel l’agriculture évolue influence les projets et pratiques des agriculteurs et imprime sa marque dans le paysage rural.

Schématiquement on peut retenir trois traits majeurs pour caractériser ce contexte :
- le développement durable, les besoins de sécurité alimentaire et de qualité des aliments,
- le rôle des dynamiques territoriales,
- l’évolution de la PAC (Politique agricole commune).

Le développement durable et les besoins de sécurité alimentaire et de qualité des aliments

« [bleu violet]Le développement durable[/bleu violet] est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs besoins ».

[bleu violet]L’idée générale est de concilier le développement économique et social avec les exigences de protection des ressources et des milieux naturels[/bleu violet]. La finalité ultime est l’amélioration, sur le long terme, des conditions de vie des hommes. Le terme implique le maintien des qualités environnementales et paysagères.

L’agriculteur a des responsabilités nouvelles auxquelles il doit faire face : pollutions, rareté des ressources énergétiques et des ressources en eau, diminution de la biodiversité, réchauffement climatique, épuisements des sols.

De plus il lui revient de satisfaire d’autres besoins que les besoins alimentaires ou industriels. Les urbains, de plus en plus nombreux à fréquenter les espaces ruraux, sont demandeurs aussi en termes de paysages.

[bleu violet]Ces paysages représentent un cadre de vie pour des populations de plus en plus nombreuses[/bleu violet] même s’ils sont ou ont été largement fabriqués par les pratiques agricoles.

Les cahiers charges que l’agriculteur dot respecter se multiplient et se complexifient. Le développement durable implique des connaissances nouvelles et donc une relation renouvelée avec la recherche. Il suppose également une évolution du système éducatif de formation et d’enseignement agricole. Cette évolution a commencé.

Plus largement encore, au-delà de la préservation des ressources, de la biodiversité, de la qualité des paysages, s’ajoutent [bleu violet]des contraintes relatives à la sécurité et à la qualité de l’alimentation[/bleu violet]. Suite aux divers épisodes touchant les filières alimentaires, les consommateurs demandent de plus en plus d’informations, notamment sur l’origine des produits et sur les procédés utilisés pour les transformer et les conditionner.

L’agriculture est ainsi soumise à un cahier des charges supplémentaire où tous les maillons sont interdépendants. C’est ainsi un ensemble de demandes explicites ou implicites qui doivent être prises en compte par les agriculteurs au sens large du terme.

Les dimensions territoriales

L’agriculture occupe plus de 50 % du territoire (national ou départemental). [bleu violet]Les relations entre son développement durable et l’aménagement du territoire sont donc particulièrement sensibles[/bleu violet].

[bleu violet]Comment organiser, dans le territoire, la coexistence d’agricultures de plus en plus contrastées ?[/bleu violet]

Il y a en effet place pour des formes de production très variées : de l’agriculture intensive à caractère industriel, très mécanisée et performante en terme de rendement unitaire (quintaux à l’hectare, litres de lait par animal laitier…) aux diverses formes de recherche de durabilité ou de résistance à la productivité maximale par unité de facteur.

De nombreuses exploitations évoluent vers des formes d’entreprises industrielles. Les exploitations s’agrandissent et les parcelles s’élargissent. Elles s’intègrent plus complètement dans les filières de production, de transformation et de consommation. Leurs liens avec les marchés financiers se renforcent. Elles doivent fréquemment s’ajuster aux fluctuations de prix des marchés, utiliser des technologies avancées, simplifier leurs systèmes de cultures, etc.
Ces exploitations représentent le fleuron de la modernité, et la condition de l’autosuffisance alimentaire, même si la modernité doit évoluer vers des formes de plus en plus respectueuses de la nature.

Mais on observe aussi des systèmes de production insérés dans des ensembles d’activités divers (services, loisirs…). On voit se développer des combinaisons d’activités nouvelles, des systèmes de cultures et d’élevage pluri-espèces, moins spécialisés, des modes nouveaux de liens avec des consommateurs, des situations où l’objectif écologique prime sur l’objectif économique dès lors qu’un minimum de revenu est atteint.

Plusieurs types d’agricultures se développent et parfois se recouvrent. Même marginales, leurs essor est manifeste, sans pour autant que leurs finalités soient toujours aisées à distinguer :
- l’agriculture biologique correspond à un choix de valeurs sur l’environnement et la vie sociale (1,4% de la SAU en France. 11% en Autriche ; 6% en Finlande ; 3% en Allemagne),
L’agriculture raisonnée veut concilier rentabilité (une agriculture compétitive) et préservation du milieu naturel,
- l’agriculture durable cherche à être à la fois respectueuse de l’environnement, économiquement viable et socialement équitable ; les techniques de l’Agriculture de Conservation des Sols, et, parmi celles-ci, plus particulièrement le Semis direct sous Couvert Végétal (SCV), permettent d’élaborer des systèmes d’Agriculture Durable,
- la production fermière où les agriculteurs remplissent plusieurs fonctions : produire, transformer, vendre,

L’agriculture paysanne vise à maintenir un maximum de paysans dans le territoire avec des exploitations à taille humaine,
L’agriculture de précision utilise les nouvelles technologies (GPS, etc.) pour mieux ajuster les pratiques aux milieux.

La production intégrée fait appel à des régulations naturelles quand c’est possible (lutte biologique) comme elle intègre les données de la science dans les processus de productions pour faire un produit de qualité.
En même temps que les formes d’agriculture se multiplient, la prise en compte des paysages dans les débats sur la politique agricole et le développement rural s’impose.

La tentative de la Commission européenne, très soutenue par notre pays, de faire reconnaître à l’OMC (Organisation mondiale du commerce) [bleu violet]la spécificité du modèle européen d’agriculture[/bleu violet] qu’elle mettait en avant, spécificité très largement assise sur la multifonctionnalité de l’agriculture avait échoué. Les pays développés défendant des thèses libérales (il s’agit souvent de pays neufs comme la Nouvelle-Zélande et l’Australie, qui ne sont pas héritiers d’une vieille civilisation agraire) n’ont en effet vu dans cette tentative qu’un nouvel avatar du protectionnisme agricole européen. Ils ont été soutenus sur ce point par de nombreux pays en développement pourtant peu suspect d’ultra-libéralisme en matière agricole.

Après les disputes à l’OMC, c’est à l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) principalement que le débat s’est poursuivi. Ceci a permis de clarifier les concepts :
- d’une part les fonctions non-marchandes de l’agriculture peuvent légitimer un soutien public pour les rémunérer. Mais il faut pouvoir estimer leur valeur pour la société et s’assurer qu’il y a bien défaillance des mécanismes de marchés ;
- d’autre part, la production agricole et la production des services non-marchands sont le plus souvent, ce que les économistes appellent des produits joints. Si bien que le soutien public à ces services constitue indirectement un soutien à la production agricole. Il cause donc des distorsions de concurrence sur les marchés des produits agricoles.

La première considération amène à légitimer les aides publiques à condition que celles-ci soient, comme on dit, découplées de la production. La seconde suggère que le découplage est souvent illusoire mais c’est ce à quoi on est arrivé en 2003 au niveau de la PAC.

Les incertitudes quant à l’avenir de la PAC

Depuis la création du marché commun agricole dans les années 1960, les interventions publiques affectant l’agriculture ont été massives, nombreuses.

Très variées, elles ont été dominées par les mesures de nature communautaire, regroupées au sein de la PAC. Or celle-ci a beaucoup évolué depuis la réforme de 1992. Depuis, les réformes se sont succédées à un rythme rapide. Allant toutes dans le sens d’une moindre intervention sur les marchés et surtout d’un rapprochement du niveau des prix européens vers ceux des marchés mondiaux. Il est clair que le processus de réforme est appelé à se poursuivre sous le double effet de pressions internes à l’Europe et de pressions externes exercées notamment dans le cadre de l’OMC. Ce qui est beaucoup moins clair en revanche, c’est l’impact qu’aura la poursuite de ces réformes sur les diverses agricultures évoquées dans le paragraphe précédemment.

La réforme de 1992 a marqué un tournant parce qu’elle a initié un rapprochement des prix européens garantis vers le niveau de prix des marchés mondiaux. En outre elle a introduit des paiements directs compensatoires aux agriculteurs. Les réformes de 1999 et de 2003 ainsi que les suivantes, plus sectorielles, comme dans le cas du sucre de la vigne et du vin, ont accentué et généralisé ce mouvement.

Dans le jargon communautaire, ces mesures et ces paiements relèvent du "premier pilier" de la PAC. Cette expression connote l’existence d’un deuxième pilier, expression que la Commission européenne a donnée à un ensemble de mesures hétérogènes de soutien plus ou moins direct au développement rural.

Les pressions européennes et mondiales pour un libéralisme accentué ont constitué le principal moteur de l’évolution des mesures relevant du premier pilier. Il s’agissait de limier la distorsion sur les marchés mondiaux des mesures européennes. Cela a conduit à des interventions de plus en plus indépendantes du nombre d’animaux élevés, des hectares cultivés, des quantités produites. C’est ce que l’on appelle le « découplage » des aides. Le gouvernement français a craint que l’abandon du soutien à la production ne se traduise par un abandon de l’activité agricole dans certaines régions difficiles. Il a opté pour un découpage partiel.

Les nouvelles demandes sociétales relatives à l’environnement, à la sécurité des aliments, et aux territoires justifient de nouvelles mesures et relèveraient d’un deuxième pilier modernisé et abondé.

La Pac 2013

- vers la convergence des aides entre pays à terme ;
- Les aides sur les 50 premiers hectares sont supprimées ;
- le plafonnement des aides est porté à 300 000 euros et celles recevant plus de 150 000 euros réduit de façon dégressive ;
- le verdissement : 30 % des aides pour les paiements directs doivent être subordonnées au respect de mesures écologiques obligatoires :
•la création de surfaces d’intérêt écologique (SIE)(3% la première année, 5% en 2016, 7% en 2018 ;
•Les agriculteurs pourront utiliser ces SIE à des fins productives à condition de n’avoir recours ni au pesticides ni aux engrais ;
•la diversification des cultures (trois cultures obligatoires) ;
•le maintien des prairies et de pâturages. ;- un bonus pour les jeunes agriculteurs
- un renforcement de l’organisation des producteurs ;
- des dispositions spécifiques pour le lait, le sucre et le vin ;
- moins de bureaucratie ;
- le couplage des aides confirmé.

En conclusion

[bleu violet]Deux traits[/bleu violet] majeurs se dégagent de ce bref diagnostic sur l’agriculture
- d’une part la diversification des modèles de production introduit une forte hétérogénéité dans le territoire au niveau local comme au niveau national et révèle une « agriculture à plusieurs facettes » : plusieurs types de projets, plusieurs filières techniques, plusieurs modes de vie pour ceux qui la pratiquent, plusieurs façons de s’insérer professionnellement, économiquement et socialement ;
- d’autre part la multiplication des rôles que doit remplir l’activité agricole, là aussi à tous les niveaux géographiques, résulte pour une large part des revendications de la société, notamment en matière de sécurité alimentaire, d’aménagement du territoire et de qualité écologique.

Enfin personne ne peut nier le rôle majeur de la PAC alors même qu’une nouvelle échéance se précise ; d’où un questionnement fort sur [bleu violet]les conséquences notamment paysagères de son évolution.[/bleu violet]



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