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La Woëvre forme une vaste dépression reposant sur les couches de marnes et d’argiles du Jurassique. Elle dessine une plaine humide au relief très peu marqué, limitée à l’est par le plateau calcaire sec de Haye et dominée à l’ouest par les reliefs puissants des Côtes de Meuse. Elle s’allonge ainsi de la vallée de la Chiers au nord (Meuse), jusqu’à Neufchâteau au sud (Vosges) sur plus de 120 km, présentant des paysages ruraux ponctués d’une multitude d’étangs et de forêts humides.Dans le département, l’unité de paysage de la Woëvre comprend les franges orientales de la plaine. Elle reste étroite et découpée dans sa partie nord (à l’ouest du Pays-Haut) pour s’élargir dans sa partie sud atteignant 13 km de large environ au nord de Toul. La plaine étroite qui se prolonge au sud de Toul, intimement liée à la côte, est raccrochée à l’unité de paysage des Côtes de Meuse (voir l’unité de paysage n°5).
« Quelquefois, à la fin de ces après-midi d’été, des minutes merveilleuses passaient, que je ne sais comment exprimer, tant le charme en était fugitif, insaisissable, composé de mille influences secrètes qui m’échappaient. Devant moi, la rivière s’arrondissait comme un lac. A travers les hautes herbes, où j’étais étendu, je n’apercevais que la surface de l’eau, tantôt unie, tantôt crêpelée de vaguelettes, qui, parfois, devenaient écailleuses comme des ardoises. Le vent froid de la Woëvre soufflait dans les peupliers des berges, et les feuilles pâles se mettaient à frissonner longuement. Puis, tout s’apaisait. Le ciel du couchant était rose et bleu. Il se reflétait délicieusement dans le miroir de l’eau morte. Tout mon cœur bondissait vers la splendeur trop brève. C’était vraiment une minute divine. Et puis mes yeux se perdaient dans les profondeurs de l’espace sans horizon ... »Louis Bertrand, Ma Lorraine (1916)
La Woëvre, une plaine humide défrichée et drainée
Hormis le pied des Côtes de Meuse, mis en culture dès l’époque romaine pour la vigne, la plaine de la Woëvre est longtemps restée un territoire marécageux et forestier, l’occupation humaine étant fortement entravée par les marais. Les vastes forêts et boisements qui émaillent la plaine de la Woëvre sont ainsi les vestiges de la lente conquête de l’agriculture sur l’eau et la forêt.
Au Moyen-Age, les communautés religieuses (notamment les abbayes de Saint-Benoît, Gorze et Rangéval), les Comtes de Bar et les Ducs de Lorraine entreprennent de lourds travaux de défrichement et d’assainissement des marais, colonisant peu à peu la plaine. Des étangs sont créés en lieu et place des marécages. Les terres ainsi gagnées sont mises en pâture et les étangs deviennent des réserves de poisson. Le drainage des terres se poursuit, notamment après la guerre de Trente Ans (XVIIe siècle), permettant la culture du blé qui se généralise, et qui fait de la Woëvre le « grenier à blé de la Lorraine ».Peu riche en minerai, la Woëvre ne subit pas la fièvre industrielle qui touche la Lorraine aux XIXe et XXe siècles et reste un territoire rural de polyculture-élevage ; ses forêts sont préservées de la surexploitation.
Après la Seconde Guerre mondiale, l’intensification des pratiques agricoles et le drainage systématique des terres agricoles transforment les paysages de la plaine, généralisant par endroit les grandes cultures et simplifiant les paysages. Toutefois, les prairies se maintiennent dans les zones les plus humides et les exploitations laitières, garantes de la diversité des paysages, bien que connaissant des difficultés économiques, parviennent à se maintenir.
Paysage caractéristique de la plaine de la Woëvre
Une plaine argileuse humide au relief peu marqué
Un relief très aplani et un paysage ouvert de grandes cultures – Jeandelize
Un subtil fondu-enchaîné de cultures et de prairies
Longtemps trop humides, les terres de la Woëvre n’étaient couvertes que de prairies et de forêts. Dans les années 1960, le drainage des parcelles s’est généralisé permettant la mise en culture de la plaine (colza, blé, …) – Jaillon
Le relief aplani présente de légères ondulations qui font alterner cultures sur les rides et prairies dans les inflexion, apportant une certaine diversité paysagère en un subtil fondu-enchaîné. Les reliefs boisés des Côtes de Meuse se dessinent nettement à l’horizon - Manoncourt-en-Woëvre
Des horizons boisés dessinés par les reliefs puissants des Côtes de Meuse
Les reliefs boisés des Côtes de Meuse dessinent l’horizon sombre de la Woëvre à l’ouest - Andilly
Un réseau hydrographique dense et une multitude d’étangs
Diversité paysagère en fond de vallée : prairies et ripisylve dans la vallée du Terrouin - Avrainville. Les étangs ont été créés au Moyen-Age par les communautés religieuses et les Ducs de Lorraine afin de drainer la plaine trop humide et marécageuse et de développer la pisciculture. Ils composent aujourd’hui des espaces abritant une grande richesse écologique et accueillant des usages de loisirs (pêche).
De nombreux massifs forestiers animant et cloisonnant la plaine
Les secteurs les plus humides de la Woëvre n’ont pas été défrichés, laissant de vastes surfaces boisées tel que le bois de Lagney (à gauche)
Les lisières boisées délimitent les espaces agricoles – Boucq
Les lisières forestières complexes et irrégulières contribuent à diversifier les paysages agricoles en créant des effets « d'antichambre » - Ansauville
Peu de grandes villes, mais un réseau dense de villages et de petits bourgs souvent construit sur de légers plis du relief
Village installé sur un léger pli du relief – Avrainville
Village installé sur un léger pli du relief - Royaumeix
Cette unité paysagère, comprise dans le périmètre du Parc naturel régional de Lorraine, se caractérise tout particulièrement par l’ensemble de ses milieux humides : réseau d’étangs, forêts et prairies. La fonctionnalité des milieux semi-aquatiques est renforcée grâce à un réseau hydrographique dense et une multitude de mares et d’étangs notamment dans la forêt de la Reine. La continuité des ruisseaux est cependant altérée par certains ouvrages hydrauliques. Les ruisseaux dont celui de l’Esch et du Terrouin, affluents de la Moselle, sont accompagnés d’une ripisylve qui forme avec les haies un maillage parfois discontinu mais propice au déplacement des espèces forestières ou des chiroptères notamment lorsqu’ils traversent des prairies.
Les vergers ou jardins bordant les villages servent de zone refuge entre l’espace urbanisé et les prairies et sont également attractifs pour de nombreuses espèces parfois plus communes.
Le complexe forestier humide avec son réseau de mares, d’étangs (Etang Romé, Grand étang, etc.) et de prairies humides joue un rôle fonctionnel important. Il abrite une avifaune riche et diversifiée, notamment dans les roselières des étangs en période de reproduction, et représente un lieu de passage pour les migrateurs. Les prairies humides en lisière forestière sont fréquentées par plusieurs espèces patrimoniales dont deux espèces de papillons (le Cuivré des marais et le Sphinx de l’Epilobe) et deux amphibiens dans les mares (Triton crêté et Rainette verte). Les milieux forestiers et notamment les lisières représentent une zone de chasse pour les chiroptères dont le Vespertilion de Bechstein, le Petit Rhinolophe ou le Grand Murin.
légende de la carte d'analyse critique
Atouts :
Les forêts humides : une richesse écologique et paysagère spécifique
Classée en Espace naturel sensible (ENS), la forêt de la Reine abrite une faune et une flore riches qui en font un réservoir de biodiversité - Ansauville
Les étangs et les rivières : des espaces de nature et de loisirs.
Depuis le Moyen-âge, des étangs sont creusés afin d’assécher la plaine humide. Bien que l’essentiel des grands étangs protégés et aménagés se situent dans le département de la Meuse (étangs de Lachaussée, lac de Madine), les petits étangs et les cours d’eau de Meurthe-et-Moselle sont également des sites d’intérêt écologique (tel que le site protégé de Neuf-Etang à Mandres-les-Quatre-Tours) ou de pêche (étang de Droitaumont à Jarny) – Le Grand Etang, Hamonville
Les villages et leur patrimoine : un habitat groupé et compact bien lisible dans le paysage
Les ceintures vertes de vergers, jardins et prairies : une transition douce entre le village et les espaces de grandes cultures qui contribue à la qualité du paysage
Les prairies et saules qui bordent le village mettent en valeur la silhouette bâtie – Sanzey
La végétation qui enveloppe le village accompagne agréablement le bâti et compose une transition douce avec l’espace agricole - Ansauville
Le patrimoine construit lié à l’eau : une spécificité à valoriser
L’égayoir (gayoir ou guéoir), bassin creusé servant de pédiluve pour le soin des pattes des chevaux, un élément du patrimoine local qui, en eau, représenterait un milieu 'naturel' intéressant – Royaumeix
L’aménagement qualitatif des bords de l’eau participe à la mise en valeur des villages – Le Terrouin à Sanzey
Une ambiance très végétale mettant en valeur le centre du village - Bernécourt
Les structures végétales : des éléments de paysage qualifiant l’espace rurale
Pâture parsemée d’arbres (aulnes) – Avrainville
Alignement de frênes mettant en scène le paysage de la route – Avrainville
Mise en valeur de l’entrée du village par des alignements de frênes - Ansauville
Un bel arbre isolé (chêne) qualifiant le paysage agricole - Royaumeix
Fragilités :
La simplification des paysages agricoles suite à l’intensification des pratiques agricoles et à la suppression des structures végétales, ce qui altère en outre la fonctionnalité écologique
Les grandes cultures : les vastes parcelles cultivées dilatent les échelles du paysage – Avrainville
Paysage simplifié de grandes cultures : grandes parcelles, disparition des structures végétales – Ménil-la-Tour
La disparition des ceintures vertes des villages, zone refuge pour de nombreuses espèces : manque de gestion par les habitants, transformation en parcelles cultivées de grandes cultures
Le vieillissement des centres des villages : peu de restauration des maisons traditionnelles, peu de mise en valeur des espaces publics
Village-rue présentant une image peu attrayante - Royaumeix
La fragilisation des paysages agricoles par un mitage par des activités non agricoles telles que les bâtiments d’activités, les carrières, …